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Marcel Pagnol : Le chateau de ma mèreLe temps passe, et il fait tourner la roue de la vie comme l'eau celle des moulins. Cinq ans plus tard, je marchais derrière une voiture noire, dont les roues étaient si hautes que je voyais les sabots des chevaux. J'étais vêtu de noir, et la main du petit Paul serrait la mienne de toutes ses forces. On emportait notre mère pour toujours. [...] Puis, le petit Paul est devenu très grand. Il me dépassait de toute la tête, et il portait une barbe en collier, une barbe de soie dorée. Dans les collines de l'Etoile, qu'il n'a jamais voulu quitter, il menait son troupeau de chèvres; le soir, il faisait des fromages dans des tamis de joncs tressés, puis sur le gravier des garrigues, il dormait, roulé dans son grand manteau: il fut le dernier chevrier de Virgile. Mais à trente ans, dans une clinique, il mourut. Sur la table de nuit, il y avait son harmonica. Mon cher Lili ne l'accompagna pas avec moi au petit cimetière de La Treille, car il l'y attendait depuis des années, sous un carré d'immortelles: en 1917, dans une noire forêt du Nord, une balle ce plein front avait tranché sa jeune vie, et il était tombé sous la pluie sur des touffes de plantes froides dont il ne savait pas les noms.. Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins. Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants. |
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updated: 8th March 2002 © Dominic Smith Email: dom@domsmith.co.uk |
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